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24. JAHRESTAGUNG FÜR PHYTOTHERAPIE, BADEN, 19. NOVEMBER 2009
Phytothérapie dans les sports et courses hippiques: Du sens et du non-sens de l’usage de préparations phytothérapeutiques
Gilles Thiébaud
Introduction
Les premières questions que tout entraîneur de chevaux de courses ou tout cavalier de chevaux de sports hippiques vont poser au praticien dispensateur sont: estce que ça marche et est-ce négatif au test anti-dopage? Si l’on met la problématique du dopage momentanément de côté, il reste donc à se persuader de l’efficacité des soins entrepris par une phytothérapie. C’est à ce momentlà que la question de l’indication thérapeutique et donc du sens de l’usage de préparations phytothérapeutiques se pose. Le but d’une phytothérapie doit être de permettre au cheval athlète d’exprimer au maximum son potentiel sportif sans influencer de manière directe ses performances afin de ne pas tomber sous le coup du doping. Exprimé autrement, un usage prophylactique afin d’éviter autant que faire se peut l’apparition de pathologies handicapantes pour le sportif, ainsi qu’un soutien des fonctions des divers systèmes d’organes avant, pendant et après l’effort, sont les meilleurs garants du succès de l’usage de préparations phytothérapeutiques. Un recours normal à ces produits ne permet pas d’augmenter les performances d’un cheval athlète et ne devrait donc pas être un sujet de préoccupation pour les instances dirigeantes dans la lutte anti-dopage. Mais, comme souvent, le détournement de certaines préparations de leur indication primaire peut conduire à des non-sens et à des abus répréhensibles par ces mêmes instances.
Voies respiratoires
Tout d’abord, concernant l’appareil respiratoire qui est le maillon faible de l’organisme en regard des maladies infectieuses de cette espèce animale, il s’agit de garan-
tir une hygiène des voies respiratoires permettant au cheval de lutter efficacement contre les fréquentes attaques virales et bactériennes. Le premier point se situe bien entendu au niveau de son environnement. Ensuite un soutien du système immunitaire peut s’effectuer par l’apport d’extraits d’échinacée, de cassis (Ribes nigrum), d’astragale (Astragalus spp.) et de papaye (Carica papaya). Un des facteurs limitants de la performance est l’apport en oxygène. Des voies respiratoires enflammées et encombrées par du mucus épais représentent donc un handicap supplémentaire pour le cheval atteint. Une combinaison d’extraits de plusieurs phytothérapeutiques à actions sécrétolytiques, antiseptiques et antispamodiques aide à liquéfier et à éliminer ces sécrétions, facilitant ainsi le passage de l’air dans les voies aériennes tant supérieures que profondes. Parmi les plantes les plus utilisées, on trouve du thym, du romarin, de la menthe poivrée (Mentha x Piperita) et de la menthe verte (Mentha spicata), de l’eucalyptus, du pin sylvestre, du fenouil et du cumin noir (nigelle).
Transport de l’oxygène
Le transport de l’oxygène est le challenge suivant pour chaque athlète. Le premier facteur déterminant est la concentration du sang en hémoglobine. Chez le cheval, on est plus habitué à travailler avec l’hématocrite, celui-ci représentant mieux le contenu du sang en hématies, les réels véhicules de l’oxygène. Pendant une course, suite à la contraction de la rate, l’hématocrite du trotteur atteindra 56 à 60% et celui d’un pur-sang pourra monter jusqu’à 65%. Les produits phytothérapeutiques ne trouvent que peu d’applications dans ce contexte. Les qualités rhéologiques du sang prennent une importance considérable au regard d’une telle concentration en globules
rouges. La fluidité devient problématique et une hypervolémie érythrocytaire est une source fréquente de mauvaise performance. Dans le but de diminuer la tendance à l’agrégation thrombocytaire et érythrocytaire et par là de garantir la fluidité du sang, on peut administrer de l’ail, des extraits d’écorce de lapacho ou des parties aériennes du mélilot, ou encore d’écorce de saules (Salix spp). Dès lors il faudra être prudent avec les délais d’attente avant de participer à une compétition (temps d’élimination relativement longs pour les métabolites de salicine et de coumarine) et avec le dosage de l’ail qui peut s’avérer toxique chez le cheval (toxicité: dose journalière d’ail séché > 0,2 g/kg pc). Consulter aussi: http://www.vetpharm. uzh.ch/giftdb/pflanzen/0048_vet.htm
EIPH
Une trop haute pression sanguine lors d’efforts intenses est la source d’une pathologie bien connue chez les chevaux de course, l’EIPH ou Hémorragie Pulmonaire Induite par l’Effort, qui provoque de l’épistaxis après la course et est souvent synonyme de fin de carrière pour ces athlètes. Ces pressions extrêmes induisent des transformations des veines pulmonaires sous forme de fibrose de leurs parois, ce qui augmente encore la pression en amont dans les capillaires alvéolaires qui finissent par se rompre et provoquer ainsi les hémorragies pulmonaires précitées. Il existe de nombreux phytomédicaments dont le but est d’éviter la rupture des capillaires alvéolaires. Le ginkgo biloba, connu pour ses capacités vaso-dilatatrices, est l’un d’eux. Les extraits d’écorce d’orange amère (Citrus aurantium) et de feuilles de vigne rouge (Vitis vinifera) sont utilisés pour leur haute teneur en bioflavonoïdes, tels que l’hespéridine et la rutine, sensés renforcer la paroi des capillaires.
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PHYTOTHERAPIE
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24. JAHRESTAGUNG FÜR PHYTOTHERAPIE, BADEN, 19. NOVEMBER 2009
Diurèse
Pour éviter un engorgement des muscles et favoriser l’élimination des métabolites, déchets azotés et autres produits issus du travail musculaire, on a l’habitude de donner des compléments alimentaires à base de diverses plantes diurétiques. Les plus couramment utilisées sont l’orthosiphon (thé de Java), l’artichaut, le lespedeza, le cassis, le céleri, la reine-des-prés (Filipendula ulmaria) et le bouleau blanc. Augmenter la diurèse favorise l’élimination, mais d’un autre côté cela permet aussi par réflexe d’augmenter la consommation d’eau du cheval. Ceci est bienvenu, car avec les chevaux de compétition on est souvent confronté avec ce problème: les chevaux perdent de grandes quantités d’eau avec les efforts intenses qu’ils doivent fournir et ils refusent de compenser ces pertes en augmentant leur consommation d’eau. A ma connaissance il n’existe malheureusement pas de plante à effet dipsétique.
EGUS
Une majorité des chevaux de compétition souffrent du syndrome équin de l’ulcère gastrique (EGUS), en partie dû aux spécificités de l’espèce mais aggravé par le stress de l’entraînement, des compétitions et de l’alimentation fortement concentrée et énergétique. Pour lutter contre ces ulcères, on a recours à la réglisse, au lin, à la consoude (Symphytum officinalis; attention à la toxicité en prise orale!) et à la mousse d’Irlande (Chondrus crispus). Il existe aujourd’hui sur le marché de nombreux compléments alimentaires utilisés en tant que pansements gastriques ou protecteurs de la muqueuse gastrique. Hormis des argiles, telle la bentonite, des antacides comme l’ulmaire (reine-des-prés) et le trisilicate de magnésium, ces préparations contiennent souvent de la guimauve (Althaea off.) pour ses propriétés émollientes, des graines d’anis vert (Pimpinela anisum) et de fenouil pour faciliter la digestion et comme antispasmodiques, des agrumes, des pommes et des pois pour leur pectine et son activité
gélifiante entre autres, et du soja pour sa teneur en lécithine en tant qu’émulsifiant. Le lien entre le stress et les ulcères d’estomac n’est plus à démontrer. L’usage prophylactique contre les ulcères de plantes aux propriétés anti-stressantes reconnues, telles la valériane et la «peau de cobra» (Rauwolfia serpentina contenant l’alcaloïde Reserpin!) pourrait être logiquement envisagé, mais elles sont considérées comme dopantes et leur usage en période de compétition est à proscrire. La mélisse, la verveine ou la passiflore (fleur de la passion) ont également des propriétés anxiolytiques et calmantes et ne contiennent pas, à ma connaissance, de substances interdites à ce jour.
Fatigue nerveuse
Pour lutter contre la fatigue nerveuse, on a parfois recours à des plantes adaptogènes, donc anti-stress, et toniques telles que le ginseng (panax ginseng) et le ginseng de Sibérie (éleuthérocoque), mais elles sont à utiliser avec prudence car considérées comme contenant des substances interdites.
Appareil locomoteur
Pour conclure, il nous reste à aborder la partie «mécanique» de l’appareil locomoteur. Chez le cheval, la première cause de mauvaise performance ou même de retrait de la compétition est liée au squelette au sens large, soit à des pathologies concernant les os, les articulations, les ligaments et les tendons. La phytothérapie ne nous est pas d’un grand recours pour régler ces problèmes-là. Lors de l’effort intense, toute médication suffisamment efficace pour apporter une amélioration du fonctionnement de l’appareil locomoteur serait par essence considérée comme dopante et donc inappropriée. Ce serait le cas d’un dosage exagéré de plantes contenant des équivalents de l’acide salicylique, comme le saule. L’application d’acide acétylsalicylique pur est d’un point de vue de management du doping plus sûr et confortable.
Comme souvent cité dans la presse ces der-
niers temps, l’usage de pommades ou de li-
niments à base de capsaïcine, composé ac-
tif du piment de Cayenne, dont l’action sur
les terminaisons nerveuses provoque une
forte sensation de chaleur et une certaine
analgésie, a dû être prohibé suite à son
mésusage par certains cavaliers qui mas-
saient l’extrémité distale des membres de
leurs chevaux de saut pour en augmenter
la sensibilité aux chocs, les contraignant
ainsi à éviter tout contact avec les perches
des obstacles (Jeux Olympiques de Hong
Kong 2008).
Après l’exercice intense, dans les périodes
de récupération et de reprise du travail, on
peut appliquer par voie interne et sous
forme de cures des extraits entre autres
d’harpagophytum, de reine-des-prés, de
yucca schidigera, des parties aériennes
de consoude (bourrache), de prèle-des-
champs ou en usage externe des racines de
consoude et d’arnica. Toutes ces plantes
sont connues pour leurs effets anti-inflam-
matoires.
Les médicaments phytothérapeutiques
sont un cas à part et ils nécessitent en tant
que tels une solution à part dans la problé-
matique de la lutte anti-dopage. Au-
jour d’hui il n’existe pas encore d’ISL (Inter-
national harmonized Screening Levels)
pour les produits phytothérapeutiques.
Une solution pourrait être de calculer ces
niveaux de détection pour certains agents
d’origine végétale qui sont également con-
tenus dans des médicaments, comme par
exemple l’atropine, la scopolamine ou la
morphine. Les autres plantes médicinales
seraient à rayer de la liste de «screening»
lors des analyses anti-dopage, aussi long-
temps que leur usage ne mettrait pas
en péril l’intégrité des compétitions spor-
tives.
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Adresse de l’auteur: Dr méd. vét. Gilles Thiébaud Chemin du Moulin 1566 St. Aubin/FR gthiebaud.equine@bluewin.ch
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