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PHARMA FORUM
Hormonothérapie aujourd'hui – mise au point
ANNEGRET CZERNOTTA
Avec la publication des études Women's Health Initiative (WHI1) et One Million Women (MWS2), les connaissances sur l'hormonothérapie de substitution (HTS) ont été remises en question. Le doute se répand en pratique. Au symposium «Hormonothérapie – mise au point» du 10 janvier à Lucerne, des experts nationaux et internationaux ont parlé de l'hormonothérapie eu égard à qualité de vie, os, sein et système cardiovasculaire.
«La sécurité du traitement de substitution à long terme chez les femmes postménopausées a été fortement ébranlée par la publication d'études critiques», comme l'a expliqué en introduction le Prof. Dr méd. Christian De Geyter, Médecin-chef du Service Universitaire de Gynécologie de Bâle. Une enquête représentative effectuée auprès de 844 femmes postménopausées à la consultation Hormones du Service Universitaire de Gynécologie de Bâle, a examiné si ces patientes, tout comme leurs médecins, s'étaient forgées une opinion différenciée sur l'indication à une HTS après ces publications. Cette enquête a montré que malgré des comptes-rendus critiques dans les médias, l'attitude des femmes n'avait pas changé. «Globalement, 12,7 pour-cent des femmes seulement ont interrompu leur traitement d'œstrogènes, bien qu'une bonne moitié connaissait les résultats de l'étude
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WHI. Le corps médical par contre était nettement plus hésitant en ce qui concerne l'indication à une HTS», selon le Prof. De Geyter. Les thèmes importants pour la pratique en rapport avec l'HTS ont donc été au premier plan de ce symposium très bien fréquenté. Les différents ateliers ont donné une bonne opportunité d'approfondir les connaissances.
HTS et qualité de vie
«Le syndrome climatérique est une indication très nette à une HTS. Mais les médicaments qui entrent en ligne de compte doivent être administrés à la dose la plus faible, et la durée de traitement doit être adaptée aux problèmes dont se plaignent les femmes.» Telle fut la conclusion de l'atelier dirigé par la Dr méd. Christine Bodmer, du Service Universitaire de Gynécologie de l'Hôpital de l'Isle, Berne, sur l'HTS en rapport avec la qualité de vie.
HTS et os
Le Dr méd. Hansjörg Häuselmann, PD, Médecin-chef au Centre des maladies rhumatismales et osseuses, Klinik im Park, Zurich, a expliqué que pour la prévention et le traitement de l'ostéoporose selon la FDA (Food and Drug Administration), les SERM (modulateurs sélectifs des récepteurs des œstrogènes), les bisphosphonates, l'HTS ou les «petits médicaments» (par exemple compléments diététiques) sont admis pour augmenter la densité osseuse à la DEXA (Dual-Energy-X-Ray-Absorptiometry). Sur la liste de l'Association suisse contre l'ostéoporose (ASCO), selon les dires du Dr Häuselmann, la calcitonine et la tibolone ont également été admises en raison de leur effet bénéfique documenté. La tibolone, premier représentant
de la nouvelle classe thérapeutique des STEAR (Selective Tissue Estrogenic Activity Regulator), a des effets œstrogènes, gestagènes et androgènes. Les représentants de cette classe sont nettement efficaces dans le traitement des troubles climatériques et la prévention de l'ostéoporose, pratiquement sans stimuler le tissu mammaire ni l'endomètre (3). L'admission de la tibolone dans la liste de l'ASCO a suivi les résultats des études de J.C. Gallagher, étude de titration de la dose en double aveugle et contrôlée contre placebo, et de C. Roux et al., étude comparative randomisée et en double aveugle, études dans lesquelles la tibolone a donné une augmentation nette de la densité osseuse et a prévenu la fonte osseuse (4, 5). Mais il n'y a pas de données sur les fractures en vue de l'admission dans la liste de la FDA. L'étude LIFT (Long-term Intervention of Fractures with Tibolone), contrôlée contre placebo, est en cours et livrera ses résultats en 2006.
HTS et système cardio-vasculaire
«Une HTS ne peut actuellement pas être recommandée dans le but exclusif de la prévention cardio-vasculaire, primaire et secondaire», telle est la conclusion de l'atelier du Dr méd. rer. nat. Alfred O. Mueck, PD, de l'Hôpital Universitaire de Tübingen. Mais si une HTS est prescrite sur indication, selon Mueck, il faut contrôler les marqueurs de risque cardio-vasculaire tels que la lipoprotéine (a), le cholestérol HDL, les triglycérides et l'homocystéine, et faire un test de tolérance au glucose. Mueck a présenté dans son atelier les guidelines et recommandations 2002 de la société allemande de cardiologie sur la «place de l'HTS dans la prévention de la cardiopathie coronaire (CC)» chez les femmes (6).
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PHARMA FORUM
Hormonothérapie aujourd'hui – mise au point
Il y a consensus sur le fait que q il est possible de poursuivre une HTS
dans une CC stable en pesant le rapport bénéfice-risque q les œstrogènes oraux ne doivent être administrés que deux ans après un accident vasculaire cérébral q une HTS ne doit être instaurée qu'après 12 mois au moins après un infarctus du myocarde q la dose du gestagène doit être optimisée dans les maladies cardio-vasculaires. De telles recommandations font actuellement défaut en Suisse. Mueck a également parlé des phyto-œstrogènes et de la tibolone comme traitements alternatifs. Il pense qu'il y a encore trop peu de données sur les phyto-œstrogènes pour pouvoir émettre une recommandation dans les maladies cardio-vasculaires. Il en va tout autrement de la tibolone par contre, qui fait globalement preuve d'un bon profil d'action: le cholestérol HDL baisse, mais sa fonction n'en est pas pour autant touchée. Les triglycérides baissent, et la tibolone stimule l'activité fibrinolytique, ce qui peut être nettement démontré par la prolongation du temps de coagulation (7, 8). Les diabétiques (sans artériopathie préexistante) sont elles aussi des patientes pouvant bénéficier d'un traitement de tibolone. Il a expliqué aux médecins présents que malgré ses répercussions cardiovasculaires, l'HTS n'est pas du ressort de l'interniste, mais qu'il faut viser une collaboration interdisciplinaire.
HTS et sein
«L'effet des hormones sur le sein est un sujet très délicat depuis la publication de la WHI et de la MWS», comme l'a dit le Prof. von Schoultz, Médecin-chef de l'hôpital Karolinska, Stockholm. Il y a des controverses notamment sur le traitement «first line» du cancer du sein. «De nouvelles études confirment le bon effet des inhibiteurs de l'aromatase comparativement au tamoxifène, mais il n'y a pas encore de données à long terme sur la morbidité et la mortalité globales, ni sur le système cardio-vasculaire, ni sur l'ostéoporose, ce qui fait que le tamoxifène reste
le traitement ‹first line›», comme l'a dit Schoultz en résumé. Il a également expliqué qu'il y a d'autres problèmes dans le traitement des symptômes climatériques chez les patientes ayant un cancer du sein. Les antidépresseurs tels que les inhibiteurs sélectifs de la recapture de sérotonine (ISRS) et la tibolone sont efficaces. Il n'y a aucun résultat sur l'efficacité des phyto-œstrogènes contre les symptômes climatériques modérés. Il n'y a aucune donnée sur l'effet de la tibolone, ni sur l'incidence des récidives chez les femmes ayant un status après cancer du sein. L'étude LIBERATE (Livial Intervention following Breast cancer: Efficacy, Recurrence And Tolerability Endpoints), qui examine l'effet de la tibolone contre placebo chez les patientes ayant un status après cancer du sein, comblera cette lacune. Ses premiers résultats sont attendus pour 2006.
Questions en suspens
D'autres sujets d'actualité sur l'HTS ont été discutés lors de la table ronde par les experts et les participants. Le Dr H.J. Kloosterboer, Recherche et Développement d'Organon, est par exemple convaincu qu'après le premier STEAR, d'autres viendront, «parce que les STEAR ont un spectre d'action potentiellement très intéressant». Dans sa conclusion, le Prof. Hermann P.G. Schneider, de l'université de Münster, a souligné l'importance des «Detection Bias», ou erreurs dans l'analyse et l'appréciation des résultats d'études. Dans la MWS, selon Schneider, le risque relatif (RR) calculé sous œstrogénothérapie a été de 1,30 (IC 95% 1,21–1,40), et même de 2,0 (IC 95% 1,88–2,12) en association aux gestagènes, après un follow-up de 2,6 ans. Critique de Schneider: «Entre le moment du diagnostic de cancer du sein et celui du décès, il s'est écoulé 1,7 ans, et 1,2 ans avant le diagnostic de cancer du sein. Les femmes incorporées dans cette étude devaient donc déjà avoir un cancer du sein lors de leur admission, et même à un stade avancé. Ces études ne disent donc rien sur le facteur causal.» Mais que transmettre aux médecins praticiens à propos de l'HTS? C'est De Geyter qui l'a
résumé: «Une HTS doit avoir une indica-
tion claire, à savoir la prévention d'une
ostéoporose et le traitement des troubles
climatériques. Mais avant toute prescrip-
tion, il faut un très bon conseil et une
anamnèse fouillée. La dose doit être aussi
faible que possible, et le traitement sera
aussi long que nécessaire. Il n'y a aucune
donnée à long terme sur les options thé-
rapeutiques alternatives.»
q
Annegret Czernotta
Autres informations: Organon AG
Churerstrasse 160b 8808 Pfäffikon SZ
Références: Cet article se base sur des informations du symposium «Hormonothérapie – mise au point», 10 janvier 2004, Lucerne, et du tiré à part «Hormontherapie – eine Standortbestimmung», Journal für Menopause, 11e année 2004, tiré à part 1/2004, ISSN 1025–6873.
Bibliographie: 1. Writing Group for the Women’s Health Initiative Investigators. Risks and benefits of estrogen plus progestin in healthy postmenopausal women: principal results from the Women’s Health Initiative randomised controlled trial. JAMA 2002; 288: 321–33. 2. Million Women Study Collaborators. Breast cancer and hormone-replacement therapy in the Million Women Study. Lancet 2003; 362: 419–27. 3. H.J. Kloosterboer: Tibolone: a specific mode of action. J Steroid Biochem Mol Biol 2001; 76: 231–238. 4. J.C. Gallagher et al.: Prevention of bone loss with Tibolone in postmenopausal women: results of two randomized, double-blind, placebo-controlled, dosefinding studies. The Journal of Endocrinology & Metabolism 86 (10): 4717–4726. 5. C. Roux et al.: Randomized, double-masked, 2-year-comparison of Tibolone with 17-Beta-Estradiol and Norethindrone acetate in preventing postmenopausal bone loss. Osteoporos Int (2002); 13: 241–248. 6. Stellenwert der HRT zur Prävention der KHK, Leitlinien und Empfehlungen. Z Kardiol 91: 430–435 (2002). 7. Moore R.A.: Livial: a review of clinical studies. Br J Obstet Gynaecol 1999; 106 (Suppl 19): 1–21. 8. Winkler U.H. et al.: Effect of tibolone and continuous combined hormone replacement therapy on parameters in the clotting cascade: a multicenter, double-blind, randomized study. Fertil Steril 2000; 74: 10–19.
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